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Taï chi

Suis allée marcher longtemps dans le champ, dans le bois, dans le froid. Je me suis retrouvée dans la petite clairière secrète, au soleil et à l’abri du noroît.
C’est là, les pieds plantés dans la poudreuse, que la robuste Mika et moi nous arrêtions jadis pour notre routine de taï chi hivernal.
 
Hélas, je ne me souviens plus de la routine et mon chien est mort.

Ménage de printemps

Chien de fleuve de lac et de rivière, chien de forêt et de montagne, chien de pluie de vent et de banc neige, ma grosse poilue noire est morte en février.

J’ai donné au refuge sa bouffe, ses biscuits, ses peignes, ses coussins, ses gamelles, ses jouets.

J’ai tenté ce matin de jeter ses vieilles mitaines trouées, mal m’en prit…
Elles resteront donc à s’empoussiérer encore un peu sur le crochet, avec la laisse et le collier à deux médailles, vain équipement de promenade.

M’ennuie de ma grosse douce. Quand elle posait sur moi son paisible regard noisette. Quand j’empoignais sa belle face par les joues, que je plongeais mes doigts dans sa toison tiède, puis chaude sous les oreilles entortillables.

Dehors, la neige de février avait rapidement fait disparaître les sentiers de ses petites habitudes. Puis, à force du dégel d’avril, quelques souvenirs d’elle poussent au jardin…

Mali

Mon chien est mort

Au début on pensait que c’était l’âge…

Au bout d’une semaine d’horreur à regarder notre grand chien dépérir en attendant les résultats du laboratoire, la sentence est tombée : lymphome malin. Très malin, je trouve…

À bout d’énergie et à bout de souffle, Mali a été euthanasiée hier soir. Sa douleur est partie en même temps qu’est devenue très lourde sa grosse tête sur mes genoux.

C’est un étrange soulagement. Ce sera une grande absence à gérer.

Ciao ma douce!

Photo : madame au jardin se parfumant dans le cléthra et le thym-citron.

Mali

Mon chien est malade

Veiller un grand chien haletant de grande fièvre. La détresse froide dans les grands yeux noisette.

Chien de jardin, chien de Noël

Éberluée!… est Mali, assise au milieu du jardin à regarder la première neige tomber, l’air de se demander «Mais qu’est-ce que c’est que ça?!».
Chien de Noël!

 

VLAN, tempête de neige!

J’aime notre climat caractériel.

Hier après-midi je suis allée me promener avec le chien poilu. Oui, oui, il pleuvait des cordes.
Deux folles sous la pluie battante, taï chi au milieu du champ.
Tout à coup VLAN, c’était tout blanc tout le tour: en haut en bas à gauche à droite en avant en arrière…

Une tempête de neige est tombée!

Moi, mon coupe-vent était, à toutes fins utiles, imperméable, mais vous auriez vu l’autre, méga-lavette! De quoi ruiner un plancher…

 

Fin octobre

Les couleurs de feu ont bel et bien flambé. Ne reste que la discrète gamme des complémentaires qui se décline, sur tous les tons, depuis le jaune jusqu’au violet.

J’ai retrouvé avec bonheur mon refuge de mi-saison, petit carré de pré oublié au cœur des terres labourées du plateau. Par ce radieux samedi de la fin d’octobre il y reste, caché, un peu d’été. J’y suis allée m’étendre, pour rien, sur l’herbe couchée, chevelure mal peignée. Il y règne un sympathique chaos peuplé de mûriers enchevêtrés et d’aubépines hirsutes. Un dédale inouï de sentes légères, à peine dessinées par la gent trotte-menu.

Autour de moi, les jaunes et les paille, les plumets décolorés des verges d’or et des asters. Une odeur de terre rendue, un filet de brise froissant de la soie, le fouissement joyeux du chien affairé à débusquer ce qui bouge encore aux alentours et, de loin en loin jusqu’aux premières hauteurs des Laurentides, les violets de saison.

 

Petite chasse

Première rencontre entre le chien et la perdrix

Débusqué par une truffe insolente
Le pataud volatile affolé
Abandonne bruyamment son abri sous le pin
Vrou vrou vrou
Rase-mottes sous le nez du canin
Qui, saisi, figé
Girouette

Oiseau clown
Chien de parade
Cirque du printemps

 

Tempête de neige

L’air est immobile.

Le ciel blanc a rejoint la plaine blanche.

À mi-chemin de sa chute depuis le zénith, un soleil livide, suspendu, se dissout. L’horizon disparaît.

Tempête de neige.

La promeneuse et son chien, grands et noirs, disparaîtront dans le tableau.

 

Gris vs bleu sur la rive

Ce duel m’apaise, je suis restée jusqu’à la fin.

De l’est éblouissant, le soleil levant séchait ma joue. De l’ouest opaque, le vent mouillé léchait mon cou. Il y eut des pauses et des revirements, bouffées de chaleur, étal et chair de poule, des longueurs, des largeurs et même un peu d’éternité.

Spectatrices discrètes, une femme et son chien ont fait la statue sur une roche boueuse. Les faune et flore lilliputiennes ont grouillé au creux des flaques visqueuses. Du large un cargo a lancé des vagues, deux poissons ont sauté, deux arbres sont passés. Le héron nous a saluées. La brume s’est finalement couchée sur la marée baissante qui l’a toute emportée. De toute évidence, le bleu a gagné.

Je ramène dans mes cheveux les odeurs vivantes de boue, d’algues, de moules. Et, tiens, cette autre, restée d’un baiser sur ma main au petit matin.

 

Mon chien est mort – 2

J’ai pleuré pendant des heures, le feu aux joues et les paupières comme du marshmallow.
J’ai mal dormi, mangé plein de cochonneries, trop fumé, trop bu, et pas mal tourné en rond. J’ai fait du grand ménage, jeté des piles de journaux pas lus et arraché, enragée, 50 livres de pissenlits innocents.

Puis, après avoir écrit un peu, j’ai dansé comme une demeurée, jusqu’à épuisement, toute seule dans mon salon. Musique africaine cubaine arabe, Chao, Bashung, Archive, Bran Van, Björk… Led Zeppelin, Waits, P.J. Harvey, The Cure, Nick Cave…

Après une nuit sans rêve ni cauchemar, me revoici, mardi, comme l’idiot de Dostoïevski. Quelques manques, des fantômes noirs qui passent, quelques phrases incongrues parlées toute seule, quelques gestes inutiles. C’est la longue parade des petites choses plus-comme-avant.
Pouvoir dire «Qui est-ce qui arrive?», «promenade» et «biscuit» tout fort, sans créer une commotion.
Ne plus m’enfarger dans rien.
Jamais plus de flap-flap de grandes oreilles, de pchic-pchic des griffes sur le parquet, d’ablutions festives dans le plat d’eau, ni de tap-tap-tap-boum du grand corps qui fait trois tours et puis se couche.
Plus aucune trace de gros nez dans la fenêtre de la porte d’en avant…

Apprendre à jeter mon cœur de pomme dans la poubelle…
Penser à aller me coucher…
Acheter un réveille-matin…
Verrouiller en sortant…

Juste un regard candide, chocolat-noisette, qui reste accroché là.

 

Mon chien est mort – 1

Suspectée jeudi, diagnostiquée vendredi, éliminée samedi…

Mika, dans toute sa splendeur, a été euthanasiée ce matin. Relevée de ses fonctions. Un sommeil de barbiturique rose l’a assommée pour de bon et a noirci son regard, en même temps qu’il a stoppé la tumeur, aussi maligne que foudroyante. Heureusement, mon grand chien ne s’est pas éteint à petit feu, usé par la mort lente.

Comme le veut l’usage, elle a eu le droit de choisir hier soir son dernier menu: une belle pomme verte toute ronde, du pain baguette, un gros morceau de fromage, jambon, le reste de la fine crème glacée et de l’huile d’olive dans son eau. Ce matin, fruit défendu, une petite poule en chocolat.

J’ai perdu mon ramasse-poussière, mon gobe-miettes, ma sonnette et mon système d’alarme. L’épouvantail, le réveille-matin et le brasse-camarade. Perdu une traînerie, une carpette, une statue de jardin, le chauffe-pieds, le coussin, le pouf. Perdu le mouton noir, la gardienne du troupeau, la sauveteur-plage, l’arbitre, le gendarme et le bébé-lala… Mais, surtout, j’ai perdu mon sherpa pour partir au diable dans le bois, mon garde du corps pour fréquenter les drôles d’endroits… ma seule folle compagne de pluie battante, de tempête de neige, de vents fous, de moins 25 bien croquants et de routes désertes … de trempette dans la rivière, de kilomètres de brasses dans le lac, de taï chi sur la montagne, de chasse aux oiseaux… de dessin d’écriture de photo, petit matin, quai 35 du port, et crépuscule au milieu du champ…

Depuis sept ans, 24 heures sur 24, elle est installée près de moi, me précède avec enthousiasme, me suit avec bonhomie. J’ai perdu mon miroir, mon alter-ego, mon ombre. Il m’en reste la vague impression de me dématérialiser un peu.

Grosse peine noire frisée…

 

Princesses au bois

Promenade du dimanche avec la princesse poilue.

Nous avons observé le bal de quelques rapaces diurnes en vol circulaire plané, puis salué de très près la famille des cerfs: une belle grande femelle inquiète, avec ses trois grands veaux étourdis…

En cherchant un ruisseau, nous sommes allées comme deux simples d’esprit nous prendre dans un dense boisé de ronces et d’aubépines. Les premières nous barraient les chevilles, les sciant au passage en nous bouffant les ergots, les secondes nous attrapaient littéralement en nous transperçant de milliers de dards superbement aiguisés. J’ai eu une petite pensée pour Jésus et la coiffe qu’on lui fit un certain vendredi, mais notre boisé était plutôt enchevêtré à la manière des rosiers du château de la Belle au bois dormant.

Nous nous en sommes finalement bien tirées sans le prince charmant, juste quelques bonnes égratignures, des tocs dans le poil et une petite faim…

 

Moins 20 dans le champ

«On va courir les lapins?!»
Phrase magique! Le chien explose de la joie habituelle, en réponse à des mots qu’il ne connaît pas mais qu’il reconnaît très bien.

Moins 20 dans le champ… Personne…
Juste une folle et son grand chien poilu.

J’aime ces promenades solitaires matinales dans le grand désert frigorifié de janvier. Le froid est tranchant et la bise mordante, nous nous engouffrerons dans le boisé.

Après les nombreuses tentatives infructueuses des derniers jours, nous avons ce matin semé toute trace humaine et réussi à frayer notre chemin jusqu’à la rivière. Comme au bout du monde, à l’abri au creux d’un petit vallon encastré dans le décor, nous avons suivi le sentier de glace tortueux, dessiné juste pour nous.

On s’est laissés emporter longtemps. On a serpenté paisiblement le fil de l’eau qui tinte gaiement pas très loin dessous. On a grimpé à gué le saut de la cascade. Enjambé les bras musclés des saules nous barrant la voie. Ecouté le murmure du vent, là-haut dans les cimes. Le tapis immaculé craque comme biscuit et meringue. Par trop de neige avant le froid, on sent sous la croûte la glace friable, inconstante, imprévue. On a marché la tête et le pas légers.