Chaînes côtières du Pacifique et magnolias en fleurs.
En avril, Vancouver est en fleurs. Pommiers, pruniers, cerisiers, magnolias, camélias, rhododendrons…
Voilà !…
Après plusieurs échecs, la mort a finalement eu le dernier mot. Notre mini Reine-Mère, tête dure devant l’éternel, incompatible avec la chose conventionnelle, est décédée le 5 juin à l’âge vénérable de 90 ans.
Deux jours plus tôt, après avoir fait des petites emplettes dans sa petite auto rouge, après avoir pianoté sur le nouveau vieux piano et s’être bricolé un cornet de crème glacée, dans la maison-bercail qu’elle aimait tant, elle nous avait surpris avec une dernière fantaisie : rupture d’anévrisme.
«Huit heures moins quart, j’ai fait le 911»… Ce sont les derniers mots qu’elle a notés dans le cahier qui lui servait d’aide-mémoire, de pense-bête, de journal et de correspondance. Deux jours plus tard, après avoir bataillé pour trouver encore un peu d’air, après avoir laissé tout son monde venir lui dire au revoir, elle est partie ailleurs semer sa bonne humeur.
Pour décrire maman, on pourrait énumérer les pépins qu’elle a frappés et les tuiles qu’elle a reçues. Un tas! L’essentiel réside plutôt dans ce qui faisait d’elle une femme d’exception. Ceux qui ne l’ont croisée que furtivement, autant que ceux qui la connaissent depuis toujours, garderont d’elle une image lumineuse. Pour emprunter au vocabulaire artistique, permettez-moi de peindre son portrait en larges traits vifs, à la manière de l’expressionnisme qui lui sied bien :
Portrait de ma mère
Couleur et fantaisie
Anticonformisme
Sens de l’émerveillement et curiosité illimités
Audace et urgence
Élégance et fierté
Ténacité, résistance et grande naïveté
Humour blindé et moral d’acier… dans un corps de petit oiseau.
Et, toujours, ce lumineux et irrémédiable sourire…
Les funérailles ont eu lieu à Québec le 23 juin.
Assise au bout du quai, le regard au loin, je reçus la visite du dodu ouaouaron. Il s’est assis à mes côtés dans la pose de Bouddha, a regardé dans la même direction que moi, l’air de se demander ce qu’il y avait à voir là.
Je l’ai dévisagé. Beau spécimen bien luisant en habit de camouflage, longs doigts de caoutchouc, belle cuisse. Regard doré exorbité, sourire béat irisé de vert lime, gorge blanche palpitante.
Après un quart d’heure d’immobilité sans coasser, l’air grenouille, le bredouille a replongé.
J’avais oublié de l’embrasser!
Puis le barboteur est arrivé. Bec et habit noirs, très sérieux, miroir bleu dans les rémiges, palmes rouges. Il est passé deux fois en parade sur le quai avant de s’y installer avec prudence. Séance de contorsions pour le grand ménage du costume à plumeaux.
Il s’est immobilisé deux ou trois fois, l’air hautain, me toisant de côté, l’œil en coin…
Quoi, on embrasse aussi les canards?