Saint-Benoît-des-Ondes
À gauche, une bourgade. Pas plus grande que ça. La route peinarde longeant la baie gigantesque ne fait qu’y passer en guère plus d’une minute. Le voyageur distrait ne la remarque pas, y transite seulement, entre deux sites de villégiature entendus.
Saint-Benoît-des-Ondes, Bretagne
Un tableau.
À droite, l’océan vidé, sable rose, à perte de vue. En face, même couleur, le Restaurant bar hôtel de la baie, proue du bourg, tous auvents battants comme voilures, tenant tête au vent du nord debout. J’y passerai la nuit. Accoudé au zinc de son bar, pour ainsi dire fermé en cette saison, le patron breton trinque avec les copains de la place. On y devise bien fort de pêche, de légumes à échanger et de la Coupe du monde de foot. On se quittera tout à l’heure, question de préparer le match France/Suisse de ce soir. Pour une poignée d’euros j’aurai la grande chambre du haut, vue sur la mer, bien sûr, avec en prime la clé de l’hôtel qui sera désert cette nuit.
Ouvrir la fenêtre.
J’ai failli m’envoler avec les battants lorsque le vent salin s’est engouffré sans manières dans l’unique pièce de la suite. Allongée dans la lumière blanche et les draps frais, dans les parfums et les caresses tièdes de l’air vierge venu du large, j’ai longuement, avec délices, attendu la marée. À des kilomètres, l’onde s’est imperceptiblement mise en marche, au pas de l’homme tranquille. Elle a tout doucement noyé les pêcheries. Délicatement, comme pour ne rien briser de ces entrailles exposées, elle a ensuite envahi, en glissant, les sinuosités moites de la rivière vide, jusqu’au débordement. Puis, se précipitant gauchement pour le reste, l’eau a couru en écumant de rage pour se heurter au front de mer. Les vagues et le vent en furie ont frappé la grève enrochée toute la nuit.
La plus hypnotique des berceuses.
À l’aube bleutée, la brise rendue, couchée le long de la côte, avait laissé l’immense marée s’en retourner loin à l’horizon, jusqu’où le regard confond les choses, jusqu’où le ciel commence.