La voix de mon père

J’entends la voix de mon père :
«Regarde comme c’est beau!»…

J’aime voyager seule. Je roule vers l’ouest sur l’autoroute 40, direction Montréal.
Du nord au sud, stratus rose, couverture moite et douillette. En ce décembre de crachin tiède, le brouillard annoncé dilue la campagne dans un lavis d’aquarelle. L’étrange ciel, à la fois sombre et lumineux, miroite sur la chaussée d’acier qui file droit devant puis disparaît dans l’aveuglement. De chaque côté, les champs bleus s’arrêtent à l’orée de boisés fantomatiques, ou disparaissent un peu plus loin comme avalés par la mer.

«Regarde comme c’est beau!»…

Pendant que l’asphalte déroule ses kilomètres, Mazzy Star remplit l’espace sonore. Parfaitement assortie dans un intemporel et cyclique faux-country, la voix hypnotique et minimale de Hope Sandoval expire Blue Light :

There’s a blue light
In my best friend’s room
There’s a blue light
In his eye…

Puis, dans le grand virage de Yamachiche, le ciel s’ouvre d’un coup, antédiluvien. Cathédrale vertigineuse dans les grands vents. Gigantesques cumulus bordés d’or sur fond bleu roi. Fuseaux de lumière qui les frôlent et vont rallumer à tour de rôle des morceaux de paysage sous le soleil oblique de 15 heures.

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