Concerts pour petits budgets
C’était en cette période de fin d’année scolaire où toutes les classes de musique, tous les orchestres, chœurs et chorales offrent leurs concerts, récitals et concours de tout acabit.
Ne pouvant pas être à deux endroits en même temps, j’avais dû renoncer au grand ensemble à cordes du Conservatoire de musique qui sévissait à la très agréable Chapelle historique du Bon-Pasteur, aujourd’hui en désuétude. C’est plutôt la clarinette de l’Orchestre de l’Université Laval qui m’avait gagnée. Bien sûr, c’est ce vent, dans ce bois, qui me séduit toujours… souffle humain d’une profondeur et d’un mystère prenants.
La salle Henri-Gagnon du pavillon Casault est magnifiquement intime. En plus d’entendre, elle permet de voir. En plus de profiter des Mozart, Rossini, Britten et Prokofiev (pour une bouchée de pain), il nous a été donné de voir, à quelques mètres seulement, une bande d’échevelés faire de la musique en habits de soirée. Tignasses rebelles, ou bleutées, mentons velus, manches trop longues, papillons fripés, semelles compensées et souliers vernis. Fascinant de suivre ces regards juvéniles accrochés aux feuilles de musique, puis tout à coup rivés tout ronds à l’unisson à la baguette du chef.
Charmant de voir le grand maigrichon à lunettes, du haut de ses six sept pieds deux, chatouiller la clarinette de ses longs doigts blancs en la berçant doucement. De voir la belle jeune ronde cantatrice, empêtrée dans son décolleté, se composer une admirable moue de coquine pour entamer Rossini. De voir un large costaud, campé aux dessus de ses timbales, impeccablement aux aguets pendant tout un concert, juste pour y jeter comme un enfant ses boums et badaboums joliment ajustés. De voir les bras généreux d’un jeune chef-berger réunir toutes ces voix d’un seul geste ample et rassurant, pour les relancer toutes ensuite à gauche et à droite chacune à son ouvrage.
Le moment que j’ai préféré fut sans doute les deuxième et troisième mouvements de la Simple Symphony pour orchestre à cordes, composée par un Benjamin Britten de vingt ans. Imaginez onze violons, trois violoncelles et trois contrebasses entonnant, sans leurs archets, comme une bande d’indisciplinés, mais dans un ensemble brillant, tout un joyeux mouvement à cordes pincées, presto possible pizzicato sempre, «playful» dit-on, débridé je dirais. Suivi du troisième mouvement, enveloppant, triste et coulant comme une douce pluie d’été. Caricature impertinente de symphonie.
Puis dimanche, de la visite. Le chœur du Redeemer University College était à la petite chapelle décrite plus haut (entrée libre).
Pendant que les cinquante anges se répondaient, sur trois étages, de chaque côté du jubé, le Crucifixus de Bach, nous étions en totale béatitude. C’était divin. De quoi donner envie de croire à quelque chose…