Décembre. Des nuits à -20. La froidure.
Au bord du grand fleuve en fin d’après-midi se déclinent tous les tons de bleu, de jaune et de rose.
À la faveur de la marée baissante, la ligne des rochers pointe lentement à la limite des eaux profondes, rétrécissant le chenal comme par surprise. En marchant longtemps, j’avais vu venir de loin le champ de jeune glace couvrant le fleuve sur toute sa largeur. Voici qu’il est entravé dans son cours, voici qu’au grand ralenti la glace doive se compresser, se recroqueviller, se télescoper, se déchirer, se concasser pour passer. Voici qu’elle se frotte à la barre de récifs, qu’elle gémit, qu’elle grince et qu’elle explose dans un interminable fracas de tremblement de terre.
La glace grise de ce décembre s’excite facilement mais n’est pas trop obstinée, elle est passée. Elle laisse la place à l’onde lisse qui descend paisiblement vers l’océan.
Très loin vers l’amont, là ou le fleuve disparaît entre ses rives, le soleil fait flamber les orangés avant de plonger au-delà de l’horizon sud-ouest.
Il est 16 heures, à l’heure d’hiver.
Je suis retournée à la chasse aux lutins.
Voici les coquins craquants qui se cachent, cette fois-ci, dans le boisé du Domaine Maizerets.
Il y a le scribe, l’artiste, la vigie, le dormeur, le chasseur de cocottes, et même un bébé!…
Les lutins forestiers sont une création de Pierre Robitaille et Annabelle Roy. Plus d’information sur le site Web de la Ville de Québec.
En fouillant bien les arbres du regard, on finit par distinguer, au loin, d’étranges petites équipées, d’étranges petits équipages…
Et j’ai réussi à les approcher sans les faire fuir…
Je suis allée à la chasse aux lutins. J’ai fait une belle récolte!
Voici les rigolos ramasseux qui se cachent sur le bord de la rivière du Cap-Rouge.
Il y a la vigie, le dormeur, le tricotteur, le musicien, le déneigeur, même un refuge à jouets!…
Les lutins recycleurs sont une création de Pierre Robitaille et Annabelle Roy. Plus d’information sur le site Web de la Ville de Québec.
Le ciel est bas. Silence. Nul écho dans l’air ouateux.
La première vraie neige, toute légère, est tombée. Quelques centimètres.
Sur la plage blanche où s’impriment mes pas, je longe l’eau. Le fleuve gris est lisse et calme.
La marée monte, imperceptiblement. Elle détrempe puis soulève soigneusement, sans la perturber, la couche de flocons recouvrant la plage.
Je marche un bon moment…
Au retour, je retrouve les empreintes de mes pas laissées plus tôt dans la neige. Elles se bercent maintenant, intactes dans la fine couche de gadoue blanchâtre qui flotte à la surface, à trente mètres de la rive. Comme si j’avais marché sur l’eau.
Promenade dans le champ où il ne demeure que les jaunes et les gris de saison. Et une petite éclaircie furtive qui a fait flamber le paysage:
Promenade dans le champ d’avoine mûre. Vitesse moissonneuse-batteuse.
« (…) il crût dans un quart d’heure tout autour du parc une si grande quantité de grands arbres et de petits, de ronces et d’épines entrelacées les unes dans les autres, que bête ni homme n’y aurait pu passer.»
Dans le fameux conte de Charles Perrault, la Belle, au lieu de mourir, fiou!, dormira tranquille pendant un siècle sous l’écran d’un fouillis végétal inextricable, don in extremis d’une jeune fée rusée.
Mais à part donner des mûres, fausses mais délicieuses, qu’a donc de si méchant cette ronce des bois. Comment (sauf si on est un prince charmant) nous barre-t-elle les pieds et nous prend-elle dans un piège si contrariant?
Bien sûr les rameaux de la ronce sont couverts d’aiguillons redoutables, comme ces rosiers rugueux que l’on peut, attendu que l’ont ait quelque talent pour la transgression, traverser. Mais ce n’est pas tout. L’arme de ce végétal futé est le marcottage. Les tiges de l’année se dressent, puis, alourdies par les généreuses grappes de mûrons, se prosternent jusqu’au sol où leur extrémité apicale s’enracine pour s’en redéployer dans tous les sens l’année suivante. Ainsi, de la plante initiale puis de chaque génération subséquente se développe un réseau exponentiel, roncier dense tressé d’une multitude d’arcs épineux solidement ancrés à leurs deux extrémités; comme autant de crocs-en-jambes portant fièrement leur nom.
La saison des framboises rouges ou noires est terminée. Les fruits de la ronce (faux-mûrier) ne sont pas mûrs…
C’est au tour de la ronce odorante de nous offrir des petits amuse-gueules jusqu’à la fin de l’été. Ses calottes, quoique pas très juteuses, ont un charmant goût de framboise au miel-citron, avec tout plein de mini-pépins qui crépitent sous la dent. Pas de danger de les confondre avec quoi que ce soit de poison. Allez, goutes-y, c’est délicieux!…