Au bord du fleuve, sous un ciel immaculé, l’air est vif et le vent de février mordant.
Marée baissante.
Soumises à la gigantesque vague planétaire, les eaux du fleuve se ruent vers l’océan en charriant des tonnes d’icebergs en mille miettes. Dans un vacarme de débâcle et de vitre broyée, le train des glaces libres se frotte au passage à la banquise qui, prisonnière de la baie, grince, gronde et explose sous la force implacable.
Au loin, sur l’autre rive, la bourrasque soulève au soleil la poudreuse tombée ces derniers jours. À fleur de chenal, on voit la batture chatoyer comme l’or et l’argent sous la lumière oblique de 16 heures.
Après-midi d’été en septembre.
Errer sur la grève déserte avec mon amie d’enfance.
Chercher des fossiles, s’émerveiller de cailloux.
Faire la pose goéland, bec au vent.
En face de moi, à l’ouest, le soleil se couche, orange brûlée.
Derrière moi, à l’est, la pleine lune se lève, crème brûlée.
Coulant silencieusement de l’une à l’autre, le fleuve.
Des heures à rouler sous un déluge infini. À nager, plutôt, entre stratus et bitume, à travers la campagne noyée. Les champs font marécages. Les rus vont, rivières. Le fleuve est la Mer du Nord.
Attention, voisins d’arbres à petits fruits, soyez aux aguets : les jaseurs boréaux sont en ville! En gangs bruyantes, ces punks ailés de passage, la huppe dressée et les yeux bandés, videront vos arbres en quelques minutes dans un désordre total et fileront tout avinés…
Reine-Mère, la battante, se meurt. Petite pneumonie du Jour de l’An, deuxième épisode. Ceux qui la connaissent s’étonneront : «Encore?», me direz-vous? Eh oui, elle fait toujours les choses avec originalité, si on la pleure, elle ressuscite. C’est sa quatrième vie qui s’éteint, je crois, elle tient probablement du chat. On verra demain…
Magnifique journée de janvier. J’ai marché lentement jusqu’au bout de la plage. Juchée entre ciel et mer sur le promontoire, j’ai contemplé en propriétaire le grand désert de glace concassée, aveuglant de soleil, qui s’étend jusqu’au chenal de mon grand fleuve dans un fracas de vitres cassées. Puis je me suis endormie sur le banc du parc.
Cet après-midi sous la bourrasque de janvier, le fleuve à marée haute était vert… gris-vert.
Le long de ses rives, le clapotis brassait des grandes talles de nénuphars sucre-en-poudre qui finissaient de se dissoudre dans une bonne épaisseur de pouding à la vanille.
J’y ai croisé un nuage de pigeons vrillant autour du petit pont…
Un rare canard d’hiver format compact (le bec-scie couronné, je crois), zigzaguant nerveusement sur l’onde, la huppe aux quatre vents…
Une trentaine de bernaches dodues et trompettantes faisant la pause-cacardage avant la grande portion du voyage.
Et les traces de raquettes de Monsieur Drolet.