Carnets d’écriture de ma bisaïeule

Nous avons trouvé des carnets d’écriture et quelques lettres de mon arrière-grand-mère, Léontine Bibiane Mallette, datant de la fin dix-neuvième siècle. Humour, fantaisie, émotion et raffinement portés par une délicate cursive à l’encre turquoise sur papier jauni, somme toute très bien conservés.

Ils contiennent l’histoire des familles Malette et Dextrase de Béziers, des réflexions, des hommages, des poèmes, des chansons… sous le titre «Notes et souvenirs de famille, suivi d’un peu de littérature fantaisiste, inédit». Je précise qu’elle a produit au cours de la même époque une trâlée d’enfants. Bref, un trésor inouï!

Quand j’ai du temps, je recopie tout ça, pour la postérité. Voici quelques extraits, dont je n’ai rien corrigé.

Bisaieule

«Notes biographiques relativement à la famille Mallette

Grand-Père Pierre Mallette malgré son âge avancé avait conservé les belles couleurs roses de ses joues et à soixante et dix ans il avait encore toutes ses dents saines.
Il ne fumait pas.
Grand-mère était une élégante de son temps.
Beau maintien toujours vêtue proprement portait toujours corsage baleiné à la mode courante de ce temps-là.
Stricte économe laborieuse.

Décès de Grand-Maman en décembre 1878.
Grand-Père en juillet 1884.»

Cahier vert-page 11   Cahier vert-page 12

Textes poignants écrits après la mort de son père (en 1888):

«… Je me rappellerai toujours les belles messes de minuit quand la Chorale chantait la Pastorale de Lambiotte, chant préféré de mon père et qu’il s’avait si bien diriger.
Ses derniers moments de vie furent pénibles.
Sa maladie dura quarante jours.
Dans l’avant-midi du jour de son décès (le 2 novembre 1888), il nous fit réunir tous les sept jeunes enfants que nous étions ainsi que notre mère auprès de son lit.
Il se fit asseoir pour nous parler.
Il nous disait d’une voix entre-coupée de soupirs qui ressemblaient à des sanglots.
Mes enfants vous êtes bien jeunes mais souvenez-vous toujours de ce que je vais vous dire pour la dernière fois.
Soyez toujours francs et honnêtes… N’abandonnez jamais votre mère…
À quelque malheur que nous soyions appelés durant cette vie il ne faut jamais oublier de respecter nos parents lesquels après Dieu sont et doivent être tout pour nous…
Moi… j’ai eu un bon père et une bonne mère et aujourd’hui j’ai la suprême consolation de n’avoir jamais failli à mes devoirs envers eux. Quelques instants après il dit à maman «demain je serai mieux».

Dans l’après-midi, alors que Corine revenait de l’exercice de musique à l’église, il lui demanda si c’était la messe des Anges qu’elle pratiquait et comme elle ne pouvait répondre vu son émotion, il entonna d’une voix ferme le «Gloria in exelcis Deo» et ce fut à cet instant qu’il tomba dans l’agonie……………………………………………………………………………………………………………………………………………………..……

Des orphelins malheureux ont jadis
Sangloté auprès de votre cercueil
Et depuis les délaissés ont grandi
Leurs cœurs transpercés du glaive de deuil
N’ont jamais cessé de se souvenir
Mais sur la tombe nul ne veut revenir.

Ô! père dormez au lointain cimetière
Votre nom n’y fut pas inscrit sur pierre
Seules… des larmes en ont arrosé la terre
Mais votre âme sur ses somptueuses ailes
Emporte nos prières vers l’Éternel.

Un jour en passant devant ce cimetière où repose mon père je me plantai là… longtemps
bien longtemps sans oser en franchir le seuil     j’avait envie de m’écrier comme Victor Hugo
«Je ne regrette rien devant ce mur sublime         que mon père… oublié!»

Détresse

 L’ombrage grandissant de la forêt envahissait peu à peu le paysage.

Par-delà les grands arbres, l’orizon empourprée se recouvrant d’un barrage sombre tel un voile de deuil qui prématurément vient obscurcir les destinées. Le toit mousseux de l’antique maison grise se confondait dans la pénombre et les pommiers en fleurs disparaissaient dans le vague.

Un silence monotone planait désormais en ce site austère depuis que l’Ange de la mort y était venu cueillir les plus belles fleurs de l’amitié.

Les orphelins groupés près de la fenêtre close ayant contemplé en silence les dernières lueurs du jour mourant restaient là atterrés dans une tristesse profonde. Le retour du printemps provoquait davantage la désolation la détresse en cette demeure désemparée.

Dès que l’obscurité devenait plus intense le groupe de délaissés chantaient.

Ô! ce chant! c’était un sanglot – en cœur ils redisaient les doux refrains qui naguère illusionnaient leur confiante enfance.

Hélas! heureuse enfance que ton bonheur est de courte durée.

Il ne reste que les cendres du souvenir.

Un petit morceau de chanson (probablement 1919):

«Pitou
Chanson commique

(chanter)

Quand j’ai parti d’Chez nous
Papa m’donna cinq sous
M’disant avec ça Loulou
Tu peux passer partout

(parler)

Cinq sous cinq sous
C’était beaucoup
Pour dans c,temps-là, ne riez pas
D’ailleurs j’étais habillée tout en neuf
Un joli petit chapeau d’paille bien fraîche
Puis ensuite pour attacher mes cheveux
Des jolis p’tits rubans couleur de fraise
Des ptits soulier de bœuf
Y avait rien d’mieux
Bon
(…)
… et c’est parti pour cinq couplets!

 

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